Jeff, le brief IA pédagogique

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Exemple de brief récent

📰 L'actu

ChatGPT lance la mémoire isolée par projet: OpenAI déploie une fonctionnalité très attendue (openai.com) permettant à ChatGPT de mémoriser les conversations uniquement dans le contexte d'un projet spécifique, sans mélanger avec les souvenirs externes. Quand activée, l'IA utilise les autres conversations du projet pour enrichir le contexte, mais n'emporte rien à l'extérieur du projet. Disponible actuellement sur le site web et Windows, arrivée prévue sur mobile dans les prochaines semaines.

Google lance Gemini 2.5 Flash Image, nouveau champion de la cohérence visuelle: Le dernier modèle de Google (developers.googleblog.com), nom de code "nano-banana", maintient l'identité d'un personnage à travers différentes scènes et costumes. Classé premier (lmarena.ai) devant GPT-images, il sera intégré aux outils Adobe début septembre à 0,039$ par image. Chaque création porte un marquage visible et un filigrane numérique invisible. (Google DeepMind, AI Studio)

Anthropic teste Claude for Chrome, une IA qui navigue seule le web: L'extension expérimentale d'Anthropic (anthropic.com) permet à Claude de cliquer et remplir des formulaires sans intervention humaine. Selon Anthropic, environ 11% des tentatives d'attaque passeraient encore malgré les protections (contre 24% sans). L'accès reste limité à 1000 testeurs payants, avec interdiction d'accéder aux sites financiers ou sensibles.

Les juniors perdent 13% d'emplois dans les métiers exposés à l'IA: Une étude Stanford analysant des millions de fiches de paie (stanford.ed) montre un déclin relatif de 13% pour les 22-25 ans dans les occupations les plus touchées par l'IA, comparé aux métiers moins exposés. Dans ces mêmes postes, les travailleurs expérimentés maintiennent ou augmentent leur emploi. L'économiste Erik Brynjolfsson, qui dirige l'étude, observe que l'IA maîtrise la théorie des manuels mais pas l'intuition du terrain. (Fortune, TIME)


🥸 L'avis de Thomas

Make the task easy

Cette semaine, dans le groupe WhatsApp, on a parlé refactoring. Ça m'a rappelé cette phrase, que j'adore, de Kent Beck (une légende chez les développeurs) : "make the change easy (warning: this may be hard), then make the easy change".

Le refactoring, c'est réorganiser son code sans changer ce qu'il fait, juste pour le rendre plus propre et adaptable. Beck nous dit : au lieu de forcer une nouvelle fonctionnalité dans un code qui résiste, réorganise d'abord le code pour qu'elle s'insère naturellement. Cette préparation peut être difficile - c'est le warning: "this may be hard". Mais une fois ce travail fait, le changement final s'insère tout seul.

Et là, déclic. Quelque part, c'est ce que je fais avec Claude depuis des mois.

Ma technique des questions dont je connais la réponse de la dernière newsletter ? Une façon parmi d'autres d'appliquer ce principe. Je me concentre d'abord sur le contexte (potentiellement "hard") pour que ma vraie demande devienne simple (easy). Questions progressives, copier-coller à la main de documentation, nettoyage de données - peu importe la méthode. L'idée reste la même : préparer le bon contexte.

Sauf que la plupart des gens font l'inverse. Ils sont obsédés par le prompt parfait. Des heures à sculpter LE prompt ultime.

Mais avec un contexte bruité, ambigu, incomplet, prompt ultime ou pas, les résultats ne seront pas au rendez-vous.

Moi ? Je m'assure d'abord d'avoir le bon contexte en place. Tout ce qu'il faut, rien de plus.

C'est contre-intuitif. On veut une réponse, pas "perdre du temps" en préparation. On veut aller droit au but. Mais c'est justement ce détour qui optimise tout. Comme le refactoring de Kent Beck - l'effort au début épargne la souffrance à la fin.

Le contexte fait 80% du travail. Non, 90%. Le prompt, c'est juste le déclencheur. Le "go" final.

Dans le code, on refactore avant de changer. Avec les LLMs, on contextualise avant de demander. Dans la vie, on réfléchit avant de parler. Enfin, normalement.

"Make the change easy" devient "Make the task easy". Pour le LLM cette fois.

Context is King. Mais tout le monde le traite comme le bouffon de la cour. On lui jette quelques miettes ou du bruit et on espère un miracle. Puis on s'étonne que le LLM "hallucine". Il n'hallucine pas. Il improvise avec ce que vous lui avez donné. C'est-à-dire pas grand-chose. Ou trop de choses inutiles (et/ou illisibles).

Le prompt magique existe peut-être. Mais avec le bon contexte, un prompt correct peut tout aussi bien faire le taf.

Passez moins de temps à optimiser vos prompts. Et + de temps à optimiser vos contextes.


📝 Point de vue

Jamais eu autant de fun

Kent Beck code depuis 52 ans. Dans une interview avec Gergely Orosz, il vient de découvrir quelque chose : il n'a jamais eu autant de fun.

Le patriarche du code propre, l'inventeur du Test-Driven Development, le type qui a littéralement écrit les règles que votre équipe suit religieusement - ce type-là s'amuse comme un gamin avec l'IA.

Sa formule claque : "90% de mes compétences valent désormais zéro".

Pas "valent moins". Zéro.

Vous imaginez ? Cinq décennies à mémoriser des API, maîtriser des syntaxes, débugger des pointeurs. Poubelle. Mais voici le twist : Beck n'est pas amer. Il jubile. Parce que les 10% restants - savoir quoi construire, pourquoi, et surtout comment penser - ces 10% valent maintenant 1000 fois plus.

Richard Hamming comparait le code à la littérature : "La physique force tous les ingénieurs vers la même fusée. Mais donnez le même problème à deux programmeurs - vous aurez deux programmes différents, comme deux romans sur le même thème."

Prenez un formulaire de login. Dev A : trois fonctions, 50 lignes, vanilla JavaScript. Dev B : Redux, hooks, 500 lignes, quatre dépendances. Les deux marchent. Les deux sont "corrects". Mais ce sont deux romans différents.

Verdict : programmer ressemble plus à écrire un roman qu'à construire un pont. L'imagination définit les limites, pas les lois physiques. Le code n'est pas de l'ingénierie. C'est de la littérature technique. Et l'IA vient de devenir notre ghost writer.

Juin 2025. Beck construit un serveur Smalltalk avec l'IA. Un Language Server Protocol complet. Un projet qu'il rêvait de faire depuis des années. Avant : des mois de galère. Là : quelques jours.

Le paradoxe frappe : Beck utilise 52 ans d'expérience pour savoir ce qui est élégant, maintenable, possible. L'IA lui permet enfin de le concrétiser. Sans la corvée. Sans la friction. Juste la création pure.

Simon Willison, 25+ ans de métier, confirme : "L'IA me rend plus ambitieux." Pas meilleur codeur. Plus ambitieux. Il construit maintenant en un weekend ce qui prenait des semaines. Pas parce qu'il ne pouvait pas avant. Parce que l'effort ne justifiait pas le résultat.

Problème : les juniors d'aujourd'hui démarrent directement avec Copilot. Pratique ? Certes. Mais Beck et Willison peuvent jouer avec l'IA parce qu'ils ont d'abord joué sans. Ils ont digéré les messages d'erreur cryptiques, survécu aux segfaults, refactorisé jusqu'à l'obsession.

Cette souffrance formatrice a forgé leur intuition. Ils sentent quand le code pue. Ils savent ce qui tiendra dans six mois. L'IA amplifie cette intuition.

Mais sans elle ? Les juniors qui démarrent directement avec Copilot risquent d'apprendre à copier-coller élégamment, sans jamais développer cette compréhension profonde.

Beck le dit : son conseil, c'est d'expérimenter, de prendre ce projet abandonné par flemme technique, de le balancer à l'IA. Mais il peut donner ce conseil parce qu'il sait reconnaître quand l'IA délire.

Si l'IA court-circuite l'apprentissage par la douleur, comment les nouveaux vont-ils acquérir l'intuition que Beck a forgée dans la souffrance ?

Comment devenir romancier du code sans avoir d'abord appris l'alphabet ?

C'est le vrai débat. Pas "l'IA va-t-elle nous remplacer ?" mais "Comment apprendre à penser quand la machine exécute ?"

Kent Beck s'éclate à 52 ans parce qu'il a d'abord souffert pendant 50. Les 10% qui lui restent, il les a gagnés en perdant les 90%.

Mais vous, si vous commencez directement avec l'IA, qu'est-ce qui vous restera quand la prochaine vague technologique rendra ChatGPT obsolète ?

On ne sait pas vraiment.

C'est terrifiant. C'est excitant. C'est maintenant.


J'étais dans un groupe de leadership et des gens me disaient "On pense qu'avec l'IA on peut remplacer tous nos juniors dans l'entreprise." J'étais en mode, "C'est une des choses les plus stupides que j'aie jamais entendue. Ce sont probablement les employés les moins chers que vous avez, ce sont eux qui utilisent le plus vos outils d'IA, et comment ça va marcher quand dans 10 ans vous n'aurez personne qui aura monté en compétence ou appris quoi que ce soit ?

Matt Garman, CEO, Amazon Web Services